Quatre algériens membres du Groupe Islamique Armée (GIA) s'emparent de l'Airbus A-300 d'Air France, assurant la liaison Alger-Paris, sur l'aéroport Houari Boumediène d'Alger.
Le Samedi 24 décembre à 11h05, bénéficiant des négligences policières et aéroportuaires de l'aéroport d’Alger, quatre islamistes armés embarquent à bord de l’airbus A300 assurant le vol AF8969 devant relier Paris, avec à son bord 229 passagers et douze membres d’équipage.
11h30, une passerelle est bloquée et les négociations débutent. Soucieux de faire le jour sur l’islam et la situation en Algérie, les pirates exigent de recevoir un journaliste algérien et un de ses confrères français. Puis, ils ordonnent de s’envoler vers Paris où ils souhaitent tenir, là encore, une conférence de presse.
Pendant 48 heures, des négociations s’engagent entre Paris et Alger, puis entre les autorités françaises et les islamistes.
A 12 heures le Groupe d’intervention de la gendarmerie nationale (GIGN) est en alerte. La moitié des effectifs, en permission en cette veille de Noël, est rappelée en urgence.
A 14 heures, devant le refus des autorités algériennes de coopérer, les terroristes liquident un premier otage et balancent son corps sur la passerelle. Il s’agit d’un commissaire de police algérien qui a eu le tort de faire valoir sa qualité et de demander des explications. «Il a torturé ses frères », lâche le tueur du commando pour justifier son assassinat.
Le dimanche 25 décembre, entre 5 et 10 heures, Les négociations avec les autorités algériennes s’enlisent. La mère du chef du commando est appelée à la rescousse. Par contact radio, elle le supplie de se rendre. Le remède est pire que le mal : ivre de rage, Abdallah Yahia ordonne à un deuxième otage, Bui Giang To, conseiller commercial de l’ambassade du Vietnam, de prendre ses affaires et de venir à l’avant de l’avion. Se croyant libéré, le diplomate revient même à son siège pour récupérer sa veste en cuir. Pourquoi lui ? Il aurait eu le tort de protester, disant refuser d’être mêlés aux problèmes franco-algériens.
La tragédie s’accélère encore quand les autorités algériennes feignent de relâcher Abdelhak Layada, un membre du GIA dont les pirates exigent la libération. Lorsqu’ils entendent sa voix par radio, ils exultent. Mais, ils entrent dans une colère noire en découvrant qu’il ne s’agit que d’un enregistrement datant de 1993. Aux passagers, le commando lance : « On va tous mourir, vous n’allez rien sentir… ».
A 21h30, un intégriste demande à parler à un représentant d’Air France : « Ecoute monsieur, on ne relâche plus personne. Regarde bien la porte devant l’avion : tu comprendras notre détermination. ». Yannick Beugnet un cuisinier de l’ambassade France, est amené à la radio. Les intégristes lui font dire que si l’avion ne décolle pas, il sera assassiné. Son message n’aura pas d’écho. Les ravisseurs lui ont demandé de se mettre à genoux, mais leur pistolet s'est enrayé. Quatre ou cinq minutes se sont encore écoulées, avant qu'il ne soit tué. Abdallah Yahia l’exécute d’une balle dans la tête et jette son corps par la porte avant sur le tarmac.
Dans la foulée, les fous d’Allah reprennent contact avec la tour de contrôle et brandissent la menace de tuer un passager toutes les trente minutes si l'autorisation de décoller pour Paris n'est pas donnée.
A 22 heures, les redoutables « ninjas », unité anti-terroriste algérienne créée deux ans auparavant, sont en alerte. Dirigé par des officiers supérieurs qui rêvent d’en découdre avec les islamistes, ce groupe de choc a des méthodes aux antipodes des services spéciaux français. Ils sont réputés pour exterminer leurs adversaires par tous les moyens, sans jamais négocier.
A 23h30, Edouard Balladur, alors premier ministre, et Alain Juppé, ministre des affaires étrangères, redoublent de diplomatie avec les autorités algériennes. Ils pèsent de tout leur poids pour éviter le scénario du pire et permettre à l’avion de décoller enfin vers Marseille. Tenant les autorités algérienne pour « responsables de la sécurité des ressortissants français présents dans l’avion », le chef du gouvernement s’entretient avec président Liamine Zeroual. Ce dernier peine à convaincre les « durs » de son régime de laisser filer l’avion. Le général major Mohamed Lamari, commandant du Groupe Spécial d’Intervention (GSI) et le général Mohamed Betchine, chef de la Sécurité militaire (SM), font de la résistance avant de céder.
Lors des négociations, les intégristes, qui soufflent le chaud et le froid, ont tour à tour relâché 63 otages, essentiellement des femmes et des enfants, pensant ainsi amadouer les autorités et obtenir l'autorisation de s’envoler vers Paris.
Le lundi 26 décembre à 2h07, grâce à la pression du gouvernement français, la passerelle qui bloque l’avion est retirée et le vol AF 8969 décolle enfin dans le ciel Alger. Mais les preneurs d'otages apprennent que leur réserve de carburant est trop entamée pour rallier Paris. « Avec tout ce que nous avions consommé pour la climatisation de l'appareil, nous n'avions plus que 10 tonnes de carburant, confie encore à Sud-Ouest le copilote, Jean-Paul Borderie. Nous leur avons dit que l'on ne pourrait pas aller plus loin que Marseille. Ce qui était faux, mais ils l'ont cru. Pour nous, il n'y avait qu'une priorité : quitter l'Algérie. » Marignane est donc désignée comme escale pour effectuer un plein de carburant.
A 3h12, l’avion atterrit à Marseille-Marignane. Il est aussitôt dirigé vers la zone nord de l’aéroport. Cette emplacement lui a été affecté car il permet, selon une source préfectorale de l’époque, « de très bien contrôler la situation et offre une grande visibilité depuis la tour de contrôle. » La souricière est en place. Camouflés dans la nuit, les tireurs d’élite apprennent à la lunette de leur fusil à reconnaître la physionomie de chacun des pirates. Fatigué par la prise d'otages, le commando maintient un silence radio et en profite pour récupérer. A l’abri d’un hangar voisin, le GIGN s’entraine sur un avion similaire.
A 5 heures, l’aéroport est fermé au trafic. Tous les vols sont annulés jusqu’à nouvel ordre. Durant le trajet de l'avion, les services de renseignement sont informés de l'objectif probable des preneurs d'otages de mener une attaque majeure sur Paris.
A 5h25, les terroristes reprennent contact avec la tour de contrôle, exigent le ravitaillement en kérosène pour rejoindre Paris. 27 tonnes de carburant. Huit tonnes auraient suffi pour rejoindre Paris, ce qui conforte le gouvernement français dans l'idée que l’intention des terroristes est de transformer l'avion en bombe volante.
Au terme de 54 heures d’un insoutenable huis-clos, le GIGN mène un assaut qui restera à jamais dans les annales.
A 17h12, le chef d’escadron Favier décide d'agir et donne le top action. Trois passerelles mobiles embarquant les équipes d’intervention filent à vive allure vers l’appareil. Le premier groupe de 8 hommes se présente à la porte avant droite de l'avion.
Pris sous le feu, les terroristes se font kamikazes. Ils tirent au travers des cloisons et lancent deux engins explosifs. L'odeur âcre de la poudre, les hurlements de passagers évacués par deux toboggans, un membre d'équipage sautant depuis le cockpit... Les témoins de la fusillade décrivent un enfer. Les quatre terroristes sont abattus.
Tous les otages sont saufs, ce qui tient du miracle vu les circonstances de l’assaut. Dix gendarmes seront blessés.
Sans le savoir, la France a échappé de justesse au tout premier attentat massif, sept ans avant le 11 septembre 2001.
Quelques mois plus tard, le 11 juillet 1995, une vague d’attentats islamistes endeuille la France. L’attaque sanglante qui a frappé le métro Saint-Michel à Paris, le 25 juillet, en sera le point culminant avec un bilan de sept morts et 84 blessés.