Le samedi 11 juin 1842, François Guizot, principal ministre du roi Louis-Philippe, promulgue une loi décisive sur les chemins de fer. Elle va dessiner le futur réseau ferré français et relancer l'investissement en remédiant à l'insuffisance de capitaux. Par cette loi, l'État promet en effet des monopoles avec des concessions à long terme aux compagnies privées qui voudront se lancer dans l'aventure.
François Guizot et Alexis Legrand bâtissent le réseau ferré français
Conçue en concertation avec l'ingénieur des Ponts et Chaussées Alexis Legrand, la loi projette sept réseaux en étoile au départ de Paris, vers la Manche, l'Atlantique, les Pyrénées, la Méditerranée et le Rhin, ainsi que deux réseaux transversaux de la Méditerranée au Rhin et de l'Atlantique à la Méditerranée.
Chaque réseau est déconnecté des autres, car il ne s'agit pas que les compagnies privées puissent fusionner et se constituer en monopole.
L’État concède à des compagnies privées la gestion des lignes mais il garde à sa charge l’achat des terrains, la construction des voies et des gares.
Texte de la loi sur les chemins de fer, dite « loi Guizot »
Art. I. – Il sera établi un système de chemins de fer se dirigeant :
- De Paris Sur la frontière de Belgique, par Lille et Valenciennes ; Sur l’Angleterre, par un ou plusieurs points du littoral de la Manche, qui seront ultérieurement déterminés ; Sur la frontière d’Allemagne, par Nancy et Strasbourg ; Sur la Méditerranée, par Lyon, Marseille et Cette ; Sur la frontière d’Espagne, par Tours ; Poitiers, Angoulëme, Bordeaux et Bayonne ; Sur l’Océan, par Tours et Nantes ; Sur le centre de la France, par Bourges ;
- De la Méditerranée sur le Rhin, par Lyon, Dijon et Mulhouse ; De l’Océan sur la Méditerranée, par Bordeaux, Toulouse et Marseille.
Art. II. – L’exécution des grandes lignes de chemins de fer définies par l’article précédent aura lieu par le concours de l’État, des départements traversés et des communes intéressées, de l’industrie privée, dans les proportions et suivant les formes établies par les articles ci-après. Néanmoins, ces lignes pourront être concédées en totalité ou en partie à l’industrie privée, en vertu de lois spéciales et aux conditions qui seront alors déterminées.
Art. III. – Les indemnités dues pour les terrains et bâtiments dont l’occupation sera nécessaire à l’établissement des chemins de fer et de leurs dépendances seront avancées par l’État, et remboursées à l’État, jusqu’à concurrence des deux tiers, par les départements et les communes…
Art. IV. – Dans chaque département traversé, le conseil général délibérera :
- Sur la part qui sera mise à la charge du département dans les deux tiers des indemnités et sur les ressources extraordinaires au moyen desquelles elle sera remboursée en cas d’insuffisance des centimes facultatifs ;
- Sur la désignation des communes intéressées, sur la part à supporter par chacune d’elles, en raison de son intérêt et de ses ressources financières. Cette délibération sera soumise à l’approbation du Roi.
Art. V. – Le tiers restant des indemnités de terrains et bâtiments, les terrassements, les ouvrages d’art et stations seront payés sur les fonds de l’État.
Art. VI. – La voie de fer, y compris la fourniture du sable, le matériel et les frais d’exploitation, les frais d’entretien et de réparation du chemin, de ses dépendances et de son matériel resteront à la charge des compagnies auxquelles l’exploitation du chemin sera donnée à bail. Ce bail réglera la durée et les conditions de l’exploitation, ainsi que le tarif des droits à percevoir sur le parcours…
Art. VII. – À l’expiration du bail, la valeur de la voie de fer et du matériel sera remboursée, à dire d’experts, à la compagnie par celle qui lui succédera ou par l’État.
Art. VIII. – Des ordonnances royales régleront les mesures à prendre pour concilier l'exploitation des chemins de fer avec l'exécution des lois et règlements sur les douanes.
Art. IX. – Des règlements d'administration publique détermineront les mesures et les dispositions nécessaires pour garantir la police, la sûreté, l'usage et la conservation des chemins de fer et de leurs dépendances.
Les articles suivants fixent les sommes affectées à l’établissement des différentes lignes.
La loi sur les chemins de fer du 11 juin 1842 accélère l'industrialisation du pays
À la fin 1841, la France avait un net retard sur les autres pays industrialisés dans la construction de son réseau ferré. Celui-ci comprenait seulement 319 kilomètres en exploitation, sur 566 concédés, alors que l'Angleterre en avait concédé 2521, les États allemands, 627 et la Belgique 378.
On se rend compte de l’intérêt que le chemin de fer peut jouer dans le développement de l’économie nationale.
Après le vote de la loi, le rythme de création des compagnies ferroviaires s'accélère.
Le réseau centralisé, dit « étoile de Legrand », va déterminer l'aménagement du territoire national pour le siècle à venir. Il sera être même repris par les législateurs britanniques, avec un réseau en étoile autour de Londres.
Voir aussi :
26 août 1837 - Les débuts du chemin de fer français
28 juin 1833 - La loi Guizot développe l’enseignement primaire
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