Dégradé de ses fonctions de capitaine de l'armée française en 1894 pour avoir divulgué des secrets militaires à l'Allemagne, Alfred Dreyfus est réhabilité par la Cour de cassation de Rennes.
Après avoir effectué cinq ans de bagne en Guyane, il s'était vu déclaré coupable de haute trahison en 1899 et condamné à 10 ans de prison.
Pourtant, toutes les preuves attestaient de son innocence et de la culpabilité d'un autre officier, le commandant Esterházy.
Le jeudi 12 juillet 1906, la Cour de cassation, sous la présidence du Premier président Ballot-Beaupré, cassant l'arrêt du conseil de guerre de Rennes, réhabilite Dreyfus :
Attendu, sans aucun doute, que, sinon devant le Conseil de guerre de Rennes, du moins autour de lui, dans la presse et dans le public, un bruit avait été répandu, d'après lequel la pièce, présentée comme étant le Bordereau saisi, ne serait que la copie sur papier pelure du Bordereau original portant de la main d'un souverain étranger une annotation accusatrice contre Dreyfus ;
Mais attendu que, dans leurs dépositions reçues sous la foi du serment en 1904, cette allégation (ainsi que celle d'une prétendue lettre du même souverain) a été absolument démentie par le Président Casimir-Perier, les généraux Mercier, Billot, Zurlinden, de Boisdeffre, Gonse, Roget, les lieutenants-colonels Picquart, du Paty de Clam, Rollin, et les autres officiers du service de renseignements, que le général Mercier a dit notamment : "C'est une légende complètement inexacte, rien, rien, rien n'a pu y donner lieu" ; que cette légende doit être mise à néant ;
Attendu, en dernière analyse, que de l'accusation portée contre Dreyfus, rien ne reste debout ; et que l'annulation du jugement du Conseil de guerre ne laisse rien subsister qui puisse à sa charge être qualifié crime ou délit ;
Attendu, dès lors, que par application du paragraphe final de l'article 445 aucun renvoi ne doit être prononcé ;
Par ces motifs,
Annule le jugement du Conseil de guerre de Rennes qui, le 9 septembre 1889, a condamné Dreyfus à dix ans de détention et à la dégradation militaire, par application des art ; 76 et 463 C pén. et 1er de la loi du 8 juin 1850 ;
Dit que c'est par erreur et à tort que cette condamnation a été prononcée ;
Donne acte à Dreyfus de ce qu'il déclare renoncer à demander l'indemnité pécuniaire que l'art. 446 C inst. crim. permettait de lui allouer ;
Ordonne qu'en conformité de cet article le présent arrêt sera affiché à Paris et à Rennes et sera inséré au Journal Officiel, ainsi que dans cinq journaux, au choix de Dreyfus ;
Autorise Dreyfus à le faire publier aux frais du Trésor et au taux des insertions légales dans cinquante journaux de Paris et de province, à son choix ; Ordonne que l'arrêt sera transcrit sur les registres du Conseil de guerre de Rennes et que mention en sera faite en marge de la décision annulée. |
Dès le lendemain, 13 juillet, Eugène Etienne, ministre de la guerre, dépose sur le bureau de la Chambre des députés deux projets de loi : l'un portant réintégration dans les cadres de l'armée du capitaine d'artillerie Dreyfus avec le grade de chef d'escadron, et l'autre réintégrant le lieutenant-colonel d'infanterie Picquart, avec le grade de général de brigade.
Le 20 juillet, le commandant Dreyfus est nommé chevalier de la Légion d'honneur, lors d’une cérémonie à l’Ecole militaire.
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