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Jusqu’aux années 60, les méthodes de contraception demeurent interdites en France. Les femmes n’ont d’autre recours que l’abstinence ou l’avortement clandestin pour éviter les grossesses à répétition.
La pilule anticonceptionnelle inventée par le docteur Pincus a été mise en vente libre aux États-Unis le 3 mai 1960. Elle est légalisée en France le jeudi 28 décembre 1967 par la loi Neuwirth, du nom de son rapporteur Lucien Neuwirth.
Lucien Neuwirth
Lucien Neuwirth est né à Saint-Étienne le 18 mai 1924, il s'est engagé très tôt dans la Résistance aux côtés du général de Gaulle. Ayant survécu miraculeusement à un peloton d'exécution, il s'est engagé en politique à la Libération, devenant député de la Loire.
Siégeant à partir de 1947 à la commission des divorces et de l’aide sociale au conseil municipal de Saint-Etienne, Lucien Neuwirth est en contact avec le Mouvement français pour le planning familial. Il réalise que de nombreux drames conjugaux sont causés par l’arrivée d’un enfant non désiré et entreprend de faire abroger la loi de 1920 qui interdit toute propagande anticonceptionnelle.
Un parcours du combattant
Convié à l'Élysée pour expliquer son projet de loi, il déclare au général de Gaulle :
« À la Libération, on a donné le droit de vote aux femmes, elles l'avaient bien mérité dans la Résistance. Maintenant, les temps sont venus de leur donner le droit de maîtriser leur fécondité, parce que c'est leur fécondité ».
« Vous avez raison, transmettre la vie, c'est important, il faut que ce soit un acte lucide. Continuez », aurait alors répondu le Général.
Lucien Neuwirth déposa sa proposition de loi le 18 mai 1966, jour de son quarante-deuxième anniversaire : traité de « fossoyeur de la France » par ses adversaires, il voulut ainsi marquer symboliquement son respect de la naissance.
Une commission spéciale, constituée le 11 juin 1966, entendit jusqu’au 17 novembre les autorités religieuses, les associations concernées, des scientifiques comme les professeurs Monod et Jacob, mais aussi l’économiste Alfred Sauvy et le sociologue Pierre Bourdieu. Examiné par l’Assemblée nationale en première lecture le 1er juillet 1967, le texte fut définitivement adopté à l’assemblée nationale le 14 décembre 1967 et dans la nuit du 19 au 20 décembre au Sénat.
Il prévoit que les contraceptifs seront délivrés sur ordonnances ou certificat de non-contre-indication, nominatifs, limités dans le temps. Pour les mineures (la majorité était à 21 ans), la pilule n’est autorisée que si elles disposent de l’accord écrit d’un des parents.
Le général de Gaulle promulgua la loi le 28 décembre 1967 de manière tout à fait exceptionnelle depuis Colombey-les-Deux-Églises, où il passait les fêtes en famille, et non depuis L’Élysée.
Mais les premiers décrets d’application ne sont finalement publiés qu’en février 1969. Un « sabotage délibéré » par la « puissance administrative », selon les termes de Lucien Neuwirth.
Il faut attendre la loi du 4 décembre 1974 de la nouvelle ministre de la santé, Simone Veil, pour que la pilule soit remboursée par la Sécurité sociale et que les Centres de planification puissent la délivrer gratuitement et anonymement à des mineures.
Lucien Neuwirth décède à Paris le 26 novembre 2013, à l’âge de 89 ans.
Voir également :
Texte intégral des débats à l'Assemblée nationale (au format PDF)