Le lundi 16 mars 1914, Henriette Caillaux tue Gaston Calmette, le directeur du Figaro, par crainte que le passé sentimental de son couple soit étalé sur la place publique.
Henriette Caillaux née Raynouard est l'épouse de l'homme politique le plus en vue du moment, le ministre des finances Joseph Caillaux. Ce dernier est promoteur d'un projet de loi qui vise à instaurer un impôt général et progressif sur le revenu. De plus il est farouchement opposé à la loi Barthou du 19 juillet 1913, qui porte de deux à trois ans le service militaire obligatoire. Il a été porté à la tête du parti radical à l'automne 1913 et a pris la direction du Bloc des gauches en s'alliant avec Jean Jaurès et les socialistes. Il est redevenu ministre des Finances le 9 décembre 1913 et il pressenti pour prendre la tête du gouvernement à l'issue des élections législatives de mai 1914.
Mais Henriette Caillaux est déprimée par une campagne qui vise son mari dans la volonté évidente de détruire sa carrière. En pleine ascension politique, l'homme dérange. Pacifiste, promoteur dès 1907 d'une loi sur l'impôt sur le revenu progressif alors qu'il était ministre des Finances de Clemenceau (voir notre article), il se démène pour faire voter sa loi par la Haute Assemblée. Le débat sur la légitimité de cet impôt déchaîne les passions. Joseph Caillaux devient « l'homme à abattre ».
Gaston Calmette, le directeur du quotidien depuis 12 ans, prend la tête de cette campagne de presse contre l'impôt sur le revenu et son inventeur. Il publie cent dix articles qui l'accablent de tous les maux.
Le Figaro publie notamment des échanges de Joseph Caillaux avec celle qui n'était encore que sa maîtresse et deviendra plus tard sa femme, Henriette. Dans ces lettres signées « Ton Jo », Caillaux apparaît comme un homme politique hypocrite.
Gaston Calmette utilise également l'affaire politico-financière Rochette pour tenter de mettre fin à la carrière politique de Caillaux, l'accusant de trafic d'influence, de détournement de fonds publics au profit de son parti politique et de pressions sur des établissements financiers.
Le 13 mars 1914, le quotidien annonce en une détenir « la preuve des machinations secrètes de M. Caillaux ».
Dans l’après-midi du 16 mars, Henriette Caillaux, décidée à défendre la réputation de son mari et la sienne, achète pour 55 francs chez l’armurier de la bourgeoisie Gastinne Renette un pistolet automatique Browning qu’elle essaie dans un stand au sous-sol. Vers 17h15, elle se fait conduire dans la voiture de ministre de son mari (dont elle a fait retirer la cocarde ministérielle) à la direction du Figaro au 26 rue Drouot pour rencontrer Gaston Calmette. Portant une jaquette de karakul assortie à sa robe de satin noir et une toque à aigrette, elle a les mains enfouies dans un manchon à fourrure, ce qui est surprenant pour la saison. L’huissier lui annonce que le directeur est absent, elle attend donc près d’une heure dans l’antichambre.
Finalement reçue par Gaston Calmette dans son bureau, elle lui tire 6 balles à bout portant dont 4 atteignent leur cible. Le directeur du Figaro est grièvement blessé, il va mourir à l’hôpital. Mme Caillaux est arrêtée.
À Paris, la nouvelle se répand comme une traînée de poudre…
Le procès d’Henriette Caillaux s'ouvre le 20 juillet 1914 et fait la Une de tous les journaux, loin devant la situation dans les Balkans !
Finalement, comme l'opinion publique se montre extrêmement bienveillante à l'égard des femmes qui tuent par passion amoureuse, elle est sans trop de surprise acquittée par le jury d'assises le 28 juillet 1914.
Joseph Caillaux peut donc envisager de reprendre la tête du gouvernement avant la fin de l'été, avec Jean Jaurès pour ministre des Affaire étrangères… Mais, trois jours plus tard, la France décrète la mobilisation générale contre l'Allemagne.
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