Le contexte
L'Irlande est devenue indépendante en 1922 à l'exception des provinces du nord (Ulster), majoritairement peuplées par les descendants de colons protestants.
La frontière « provisoire » entre les deux parties de l'île, va se pérenniser et la scission entre l'Ulster et l'État libre d'Irlande devenir irrévocable, laissant en suspens le sort de la minorité catholique d'Irlande du Nord, soumise à de constantes vexations et discriminations.
Cette injustice permanente va déboucher sur une longue guerre civile dans les années 1960-1990, avec en point d'orgue de ce « Bloody Sunday » : le dimanche 30 janvier 1972, des paras britanniques tirent délibérément sur une manifestation pacifique de catholiques à Derry (Londonderry).
Le dimanche sanglant
L’après-midi du dimanche 30 janvier 1972, 15 à 20.000 manifestants se réunissent dans le quartier du Bogside, à Derry, la deuxième ville d’Irlande du Nord.
L’initiative de la marche revient à l’Association nord-irlandaise pour les droits civiques (NICRA), qui lutte depuis la fin des années 1960 contre la discrimination faite à l’encontre de la minorité catholique d’Irlande du Nord, notamment en matière de vote et de logement.
Cette marche doit partir du Central Drive de Creggann pour traverser le quartier du Bogside en empruntant le pont qui longe le quartier pour se terminer sur Guildhall Square. Ivan Cooper, est à la tête de cette marche pacifique, et prône l’égalité des droits entre catholiques et protestants. Malgré son dialogue avec les autorités unionistes et ses tentatives de négociation avec les forces de l’ordre britanniques, la manifestation est déclarée illégale par les autorités anglaises.
À l’origine pacifique, la manifestation dégénère lorsque le 1er bataillon du régiment de parachutistes du Royaume-Uni est envoyé sur place pour contenir les possibles émeutiers. Les soldats britanniques ouvrent le feu sur la foule, tuant treize personnes (dont six adolescents) et en blessant quatorze autres. Un 14e manifestant décède plus tard des suites de ses blessures.
Cette journée, désormais inscrite dans l’Histoire sous le nom de « Bloody Sunday », marque une nouvelle étape dans le conflit nord-irlandais.
Les Victimes du Bloody Sunday
John Johnston, 59 ans. Le premier touché, il ne décèdera que plusieurs jours après.
Jack Duddy, 17 ans. Tué alors qu’il traversait en courant Rossville Street.
Michael Kelly, 17 ans. Reçu une balle dans l’estomac, il mourut après plusieurs minutes.
James Wray, 22 ans. Fut blessé en traversant Glenfada Park. Achevé à bout portant.
Gerald McKinney, 35 ans. Reçu une balle en pleine poitrine alors qu’il se rendait aux soldats mains au-dessus de la tête à Glenfada Park.
William McKinney, 26 ans. Tué alors qu’il porte secours à Gerald MacKinney.
Gerald Donaghey, 17 ans. Frappé à l’abdomen. Décède sur le chemin de l’hôpital.
John Young, 17 ans. Fauché par une balle en pleine tête.
Michael McDaid, 20 ans. Même sort que John Young au même endroit.
William Nash, 19 ans. Toujours au même endroit, sur Rossville Street, reçoit une balle en pleine poitrine.
Patrick Doherty, 31 ans. La balle rentre par la fesse, lui traverse l’estomac et ressort par la poitrine. Il meurt sur le coup.
Bernard McGuigan, 41 ans. La balle pénètre l’arrière de la tête et le tue instantanément.
Hugh Gilmour, 17 ans. La balle le traverse de part en part alors qu’il rampe vers Rossville Street.
Kevin McElhinney, 17 ans. La balle voyage à travers son corps, rentrant par l’anus et ressortant par son épaule.
La suite des événements
En réponse, le 22 février, l'Armée républicaine irlandaise (IRA) fera exploser le mess des officiers parachutistes d'Aldershot en Angleterre, provoquant la mort de six civils et d'un militaire.
Jusqu’à la fin des années 1990, attentats, fusillades et représailles sanglantes ont rythmé la vie quotidienne des Irlandais du Nord. Entre 1969 et 2002, près de 3.500 personnes ont trouvé la mort dans le cadre du conflit. Plus de 45.000 blessés ont également été recensés.
L’escalade de la violence est freinée en 1998 lorsque des accords de paix sont signés entre catholiques et protestants. En 2010, le retrait total du gouvernement britannique de la vie politique nord-irlandaise marque un nouveau coup d’arrêt aux troubles. Mais la paix est aujourd’hui encore précaire : ponctuellement, des affrontements entre catholiques et protestants peuvent éclater.
Les commémorations du Bloody Sunday restent sensibles et cristallisent les tensions.