Le dimanche 20 février 1944, sur le lac Tinn, dans le comté norvégien de Telemark, le ferry SF Hydro explose et sombre avec ses passagers et son chargement de dioxyde de deutérium (que le appelle «eau lourde») en provenance de l'usine Vemork Nors Hydro.
Ce fait divers passe inaperçu dans un monde rempli des derniers rugissements de la Seconde Guerre mondiale. Ce n'en est pas moins le dernier épisode d'un long conflit entre services secrets alliés et militaires allemands, la « bataille de l'eau lourde ».
L’eau lourde
Dès les années 1930, les scientifiques mettent au point le principe de la fission nucléaire, à l'origine de la bombe atomique : un premier noyau d'uranium, bombardé par un neutron, se casse ; il libère de l'énergie et deux neutrons qui, à leur tour, vont bombarder d'autres noyaux d'uranium... La réaction en chaîne génère une énergie considérable.
Pour être efficace, la fission doit toutefois être ralentie par un « modérateur », du graphite ou de l'« eau lourde », ainsi appelée parce qu'il s'agit de molécules d'eau dans lesquelles les atomes d'hydrogène sont remplacés par un isotope, le deutérium, à la densité plus élevée (deux fois plus lourd parce que le noyau contient un neutron en plus du proton présent dans chaque atome d’hydrogène).
Le film franco-norvégien de 1948 « La bataille de l'eau lourde » (mélangeant documentaire et fiction) relate cette bataille.
En 1939, à la veille de la seconde guerre mondiale, le savant français Frédéric Joliot-Curie intervient auprès de Raoul Dautry, ministre des armements, pour que la France s'assure, auprès de la Norvège, l'exclusivité de l'approvisionnement en eau lourde dont il a besoin pour poursuivre ses recherches sur la fission l'atome. La Norvège accepte de céder au gouvernement français son stock d'eau lourde qu'elle vient de refuser à l'Allemagne.
La guerre survient, la France est envahie, l'eau lourde est transportée en Grande-Bretagne. La Norvège, à son tour est occupée par les armées allemandes et ce sont maintenant les laboratoires du Reich qui disposent de la précieuse eau lourde distillée par l'usine Norsk Hydro.
L'état-major allié décide en 1943 le sabotage de l'usine. Un groupe de quatre Norvégiens est parachuté sur les monts Télémark pour préparer l'intervention d'un commando aéroporté britannique.
Mais, c'est l'échec total de l'opération...
Un second groupe de parachutistes rejoint les premiers. Leur objectif est de détruire de l'usine gardée comme une forteresse, au sommet d'une falaise abrupte. Et, cette fois, en dépit des difficultés, c'est un succès complet : le sabotage a demandé seulement quelques minutes.
Les saboteurs, poursuivis par les avions, les traîneaux, les skieurs et les chiens de la Werhmacht, gagnent, les uns la Suède, les autres la côte et l'Angleterre. Deux d'entre eux restent en Norvège, échappant aux recherches des Allemands et perdant le contact avec l'état-major allié.
Conscient de la menace qu'ils font peser sur l'usine qui a repris son fonctionnement, le haut commandement allemand décide de transporter t'eau lourde en Allemagne. Mais les saboteurs ont déposé une bombe à retardement dans la cale du ferry-boat qui doit assurer ce transport. Lorsqu'explose le navire, la bataille de l'eau lourde est définitivement gagnée.