Au lendemain du siège de la Rochelle, protestants et catholiques concluent la paix avec l’édit de Boulogne. Celui-ci met fin à la quatrième guerre de Religion et permet aux protestants d’obtenir la liberté de conscience.
Charles IX
La 4ème guerre de religion, qui commence avec le massacre de la Saint-Barthélemy, marque lourdement les provinces de Saintonge, Aunis et Angoumois. La ville de la Rochelle, assiégée par les troupes de Charles IX sous le commandement du duc d’Anjou, le futur Henri III, échappe de peu au désastre.
La Paix de la Rochelle (ou Edit de Boulogne) est signée le mercredi 11 juillet 1573 par Charles IX et crée une pause provisoire dans cette guerre.
L’édit de Boulogne, enregistré au parlement de Paris le 11 août, énonce la paix et l’oubli des horreurs de la Saint- Barthélemy. Il accorde la liberté de conscience, mais la liberté du culte est limitée à 3 villes : La Rochelle, Nîmes et Montauban, ultérieurement Sancerre. C’est l’édit le plus restrictif : la Cène est interdite même chez les seigneurs hauts-justiciers.
Édit de Boulogne - 11 Juillet 1573
Charles, etc. Nostre intention a tousjours esté et est, à l’exemple de nos prédécesseurs, de régir et gouverner nostre royaume, et recevoir de nos subjects l’obéissance qui nous est deuë, plustost par douceur et voie amiable, que par force. Au moyen de quoy, ayant nostre très-cher et très-amé bon frère, le roy de Polongne, entière cognoissance de nostre vouloir, a suivant nos mandemens, et le pouvoir spécial que nous lui avons envoyé à ceste fin, commis et député aucuns des principaux personnages de nostre conseil privé, estans près de luy, pour ouyr et entendre les plaintes, doléances, et supplications des maire, eschevins, pairs, conseillers, manans et habitans de nostre ville de La Rochelle, gentilshommes et autres qui s’y sont retirez. Et comme ainsi soit qu’enfin nostredit très-cher et très-amé bon frère le roy de Polongne ait soubs nostre bon plaisir accordé par l’advis de nos très-chers et très-amez frères les duc d’Alençon et roy de Navarre, de nos très-chers et bien amez cousins les prince de Condé, et prince dauphin : ducs de Longueville, de Guise, de Nevers et d’Uzès : seigneurs de Montluc, comte de Retz, de Biron, de Villequier, de La Chapelle aux Ursins, de Losses, de La Vauguyon, de St.-Sulpice, de Malicorne, de Suze, grand Prieur de Champaigne, et autres grands et notables personnages estans près de luy, susdits de La Rochelle, gentilshommes et autres retirez en icelle, les poincts et articles qui seront ci-après spécifiés, tant pour eux comme pour les habitans de nos villes de Montauban et Nismes, gentilshommes et autres retirez en icelles, et aucuns autres nos subjects pour lesquels ils ont supplié.
Sçavoir faisons que nous, considérans que ne pourrions mieux faire, que d’ensuivre le conseil qui nous est donné par nosdits frères, princes et seigneurs dessusdicts, lesquels pour le zèle qu’ils ont à l’honneur de Dieu, avec expérience des choses et l’affection qu’ils portent au bien de nos affaires, ont plus de cognoissance que nuls autres de ce qu’il fait besoing et est nécessaire pour le bien de nostre royaume : avons par l’advis et bon conseil de la royne nostre très-honorée dame et mère, de nos très-chers cousins, les cardinaux de Lorraine, et de Guise : de nostre très-cher et féal chancellier : des sieurs de Morvillier, de Lanssac, de Limoges : les présidens, Premier de Thou, et Séguyer, seigneur de Foix, président Hennequin, sieurs de Cheverny, de Mande, et de Roessy, tous conseillers respectivement en nostredit conseil privé pour les causes et raisons dessusdites, et autres grandes et bonnes considérations à ce nous mouvans, dit, déclaré, statué et ordonné, disons, statuons, et déclarons par cestuy nostre présent édict perpétuel et irrévocable, voulons et nous plaist ce qui s’ensuit.
I / Premièrement, que la mémoire de toutes choses passées depuis le 24 jour d’aoust dernier passé, à l’occasion des troubles et émotions advenues en nostre royaume, demeurera estainte et assoupie, comme de chose non advenue : et ne sera loisible ne permis à nos procureurs généraux, ne autres personnes, publiques et privées, quelconques, en quelque temps, ne pour quelque occasion que ce soit, en faire mention, procez ou poursuite en aucune cour ou jurisdiction.
II / Défendant à tous nos subjects, de quelque état et qualité qu’ils soient, qu’ils n’ayent à en renouveller la mémoire, s’attaquer, injurier, ne provoquer l’un l’autre par reproche de ce qui s’est passé, en disputer, contester, quereller, ne s’outrager ou offenser, de faict, ne de parole : mais se contenir et vivre paisiblement ensemble, comme frères, amis et concitoyens, sur peine aux contrevenans d’estre punis comme infracteurs de paix et perturbateurs du repos public.
III / Ordonnons que la religion catholique et romaine sera remise et restablie en tous les lieux et endroicts de cestuy nostre royaume et pays de nostre obéissance, où l’exercice d’icelle a esté intermis , pour y estre librement et paisiblement exercée, sans aucun trouble et empeschement, sur les peines susdites : et que tous ceux qui durant la présente guerre se sont emparez des maisons, biens et revenus appartenans aux ecclésiastiques, ou autres Catholiques, et qui les tiennent et occupent, leur en délaisseront l’entière possession et paisible jouyssance en toute liberté et seureté.
IV / Et pour donner occasion à nos subjects, manans et habitans de nosdites villes de I.a Rochelle, Montauban et Nismes, de vivre et demeurer en repos, leur avons permis et permettons l’exercice libre de la R. P. R. [1] dans lesdites villes, pour iceluy faire faire en leurs maisons et lieux à eux appartenans, hors toutesfois les places et lieux publiques, pour eux, leurs familles et autres qui s’y voudront trouver.
V / Et quant à tous autres de ladite R. P. R., qui sont demeurez en icelle religion, jusques à présent, leur permettons se retirer en leurs maisons où ils pourront estre et demeurer, et par tous les autres endroicts de nostre royaume, aller, venir, et vivre en toute liberté de conscience : et aux gentilshommes et autres ayans haute justice qui sont semblablement demeurez jusques à présent à ladite religion, portans les armes avec les susdits habitans desdites villes, et depuis ledit 24 aoust dernier, leur permettons aussi vivre en la mesme liberté de conscience en leurs maisons, et y faire seulement les baptesmes et mariages à leur façon accoustumée, sans plus grande assemblée, outre les parens, parrains et marraines, que jusques au nombre de dix, fors et excepté en nostre cour, ne à deux lieues à l’entour d’icelle, en la ville, prevosté et viconté de Paris, ne à dix lieues à l’entour d’icelle ville.
VI / Enjoignons à nos baillifs, séneschaux, juges ordinaires, ou subalternes, chacun en leur ressort, de pourvoir à l’enterrement des morts de ceux de ladite R. P. R., le plus commodément que faire se pourra.
VII / Au cas qu’aucuns d’icelle religion eussent été contraints de faire promesses et obligations, et bailler caution pour changer de religion, nous les avons cassées et déclarées nulles, et de nul effect et valeur.
VIII. Seront receuz indifféremment aux universités, escholes, hospitaux, maladreries et aumosnes publicques, les escholiers, malades et pauvres, de quelque religion qu’ils soient.
IX / Permettons à tous nos subjects estans de la religion, de pouvoir vendre ou aliéner leurs biens et se retirer librement avec leurs deniers et autres meubles, où bon leur semblera,ou jouyr du revenu d’iceux,en quelque lieu qu’ils se voudront retirer, soit dedans ou dehors le royaume, pourveu que ce ne soit ès terres des princes, avec lesquels nous pourrions avoir guerre.
X / Demoureront lesdits de La Rochelle, Montauban et Nismes, et autres cy-dessus, quittes et deschargez de tous deniers, meubles, debtes, arrérages de rentes, fruicts et revenus des ecclésiastiques, et autres qu’ils feront apparoistre suffisamment avoir depuis ledit 24 aoust dernier, par eux esté pris et levez sans que eux et leurs commis, ou ceux qui les ont baillez et fournis, en puissent estre aucunement tenus ne recherchez pour le présent, le passé ne pour l’advenir.
XI / Semblablement de tout actes d’hostilité, levée et conduite de gens de guerre, fabrication de monnoye, fonte et prise d’artillerie et munitions, confection de pouldres et salpestres, prises, fortifications ou entreprises de villes, démolitions de temples, maisons et autres lieux, prises de navires, gallères et biens en mer, establissement de justice, jugemens et exécution d’iceux, tant en civilité qu’en criminalité , voyages, intelligences, traictez et négociations faictes pour leur secours et conservation, et générallement tout ce qui a esté par eux faict, géré et négocié pour cest effect, tant au dedans que dehors nostre royaume, depuis ledit 24 aoust, encores qu’il deust estre plus particulièrement exprimé et spécifié, sans ce que pour aucunes des choses dessusdites ou autres passées, leur soit à eux ny à leur postérité imputé aucun crime de rébellion, désobeyssance, ou de lèse-majesté.
XII / Déclarons que nous tenons et réputons tous les dessusdits pour nos bons, loyaux et fidèles subjects et serviteurs, à la charge qu’ils nous jureront toute obeyssance et fidélité, se déporteront et désisteront entièrement de toutes associations qu’ils ont dedans ou dehors nostre royaume, et ne feront doresnavant aucune levée de deniers sans nostre permission, enrollemens d’hommes, congrégations et assemblées autres que celles qui leur sont permises cy-dessus : et ce, sans armes, sous peine d’estre punis rigoureusement et comme contempteurs et infracteurs de nos commandemens et ordonnances.
XIII / Tous les prisonniers de guerre ou autres qui sont détenuz ès prisons, gallères ou ailleurs pour le faict de la religion, et à l’occasion des présens troubles, seront eslargis et mis en liberté sans payer aucune rançon. N’entendans toutesfois, que les rançons qui auront ja esté payées puissent estre répétées sur ceux qui les auront reçues.
XIV / Ne seront lesdits de la religion surchargez ne foullez d’aucunes charges ordinaires ou extraordinaires plus que les Catholiques.
XV / Avons déclaré et déclarons tous deffauts, sentences, jugemens, arrests, procédures, saisies, ventes, et décrets faicts et donnez contre lesdits de la R. P. R., qui sont ou ont esté dans lesdites villes de La Rochelle, Montauban et Nismes, depuis ledit 24 aoust, qui n’ont esté donnez parties ouyes, ou par procurations par eux faictes, depuis ledit 24 aoust dernier, ensemble l’exécution d’iceux , tant en civilité qu’en criminalité, cassées , révoquées et annullées. Et demoureront les procez au mesme estat qu’ils estoient auparavant, et rentreront les dessusdits dans leurs biens temporels, quelques saisies, ventes et adjudications, fermes et dons qui en pourroient avoir esté faicts par nous, ou autrement, sans faire aucun remboursement.
XVI / Et pour le regard des héritiers, veufves et autres ayans droict de ceux de ladite religion, qui sont décédez esdites villes, y ont esté, ou porté les armes pour eux, depuis le 24 aoust, en quelque endroit de nostre royaume que ce soit, leur permettons de rentrer en la possession et jouyssance des biens délaissez par lesdits décédez, et les maintenons en leur bonne fame et renommée.
XVII / Tous officiers desdites villes de La Rochelle, Montauban et Nismes, tant royaux que autres, de quelque religion qu’ils soient, et qui ont esté privez à l’occasion d’icelle et des présens troubles, seront remis en leurs estats, charges et offices : et les autres officiers des autres villes et lieux observeront nos déclarations sur ce faictes et publiées.
XVIII / Et afin que la justice soit rendue sans aucune suspicion à nos subjects desdites villes, et autres qui se sont retirez en icelles depuis ledit 24 aoust, nous avons ordonné et ordonnons, voulons et nous plaist que les procez et différends meuz et à mouvoir entre les parties estans de contraire religion, tant en demandant qu’en défendant, en quelconque matière civile ou criminelle que ce soit, soient traictez en première instance par devant les baillifs, séneschaux et autres nos juges ordinaires, suivant nos ordonnances. Et où il escherroit appel en aucunes de nos cours de parlement, leur sera par nous pourveu, seulement par l’espace d’un an, à compter du jour de la publication de ces présentes, de juges non suspects, tels qu’il nous plaira : excepté toutes fois la cour de parlement de Toulouze, pour le regard de ceux de Montauban, et cependant ne pourront estre contraints de comparoir personnellement.
XIX / Et parce que plusieurs particuliers ont receu et souffert tant d’injures et de dommages en leurs personnes et biens, que difficilement ils pourront en perdre sitôt la mémoire,comme il seroit bien requis pour l’exécution de nostre intention : voulans éviter tous inconvéniens, et donner moyen à ceux qui pourroient estre en quelque crainte, retournans en leurs maisons, d’estre privez de repos, attendant que les rancunes et inimitiez soient adoucies, nous avons accordé et accordons à ceux desdites villes de La Rochelle, Nismes et Montauban, qu’ils jouiront de leurs privilèges anciens et modernes, droicts de jurisdictions et autres, esquels ils seront maintenus et conservez, sans avoir aucune garnison ; ny que y soient faits chasteaux, forts ne citadelles, si ce n’est du consentement des habitans d’icelles. Lesquels pour démonstration et seureté de leur obéissance, observation et entretenement de nos vouloir et intention, bailleront pour deux ans quatre des principaux bourgeois et habitans de chacune desdites villes étant de la R. P. R., lesquels seront par nous choisis entre ceux qu’ils nous nommeront, et changez de trois en trois mois, ou tel autre temps qu’il sera advisé, et seront mis en telles villes et lieux qu’il nous plaira ordonner, à cinquante lieues pour le plus loing desdites villes, excepté en nos villes de Paris et de Toulouze, et afin qu’il n’y ait occasion de plainte ou de soupçon, nous commettrons esdites villes des gouverneurs gens de bien, et affectionnez à nostre service, qui ne seront suspects ; voulans néantmoins que la garde de leurs villes, tours et forteresses, demeure entre les mains desdits habitans, suivant leurs anciens privilèges.
XX / Voulons semblablement, que incontinent après la publication de nostre présent édict faite en nostre camp et armée, les armes soient partout généralement posées, lesquelles demeureront seulement entre nos mains et de notre très-cher et très-amé frère le roi de Polongne, ordonnons que les forces tant de terre que de mer soient retirées de devant lesdites villes, les forts, faits tant d’une part que d’autre, rompus et démolis : le libre commerce et passage remis par toutes les villes, bourgs et bourgades, ponts et passages de nostredit royaume : les forces et garnisons qui ont esté mises à l’occasion des présens troubles, et depuis le 24 jour d’aoust, és villes et autres places, maisons et chasteaux appartenans à nos subjects, de quelque religion qu’ils soient, vuideront incontinent pour leur en laisser la libre et entière jouissance, comme ils avoient auparavant que d’en estre dessaisis.
XXI / Les meubles qui se trouveront en nature, et qui n’auront esté pris par voye d’hostilité, depuis ledit 24 aoust dernier, seront rendus à ceux à qui ils appartiennent : en rendant toutes fois aux acheteurs le prix de ceux qui auront esté vendus par auctorité de justice, ou par autre commission et mandement public. Et pour l’exécution de ce que dessus, seront contraints les détenteurs desdits biens meubles, subjects à restitution, incontinent et sans delay, nonobstant toutes oppositions ou exceptions, les rendre et restituer aux propriétaires pour le prix qu’ils en auront payé.
XXII / Pour le reparti des fruicts des immeubles, un chacun rentrera en sa maison, et jouira réciproquement des fruicts de la cueillette de la présente année : nonobstant toutes saisies, et empeschemens faits au contraire depuis le 24 aoust, comme aussi chacun jouira des arrérages desdites rentes qui n’auront par nous esté prises, ou par nostre commandement, permission ou ordonnance de nous ou de nostre justice.
XXIII / Semblablement tous tiltres, papiers, enseignemens et documens qui ont esté pris, seront respectivement rendus et restituez à ceux à qui ils appartiennent.
XXIV / Ordonnons aussi que ceux de ladite religion demeureront aux loix politiques de nostre royaume, à sçavoir, que les festes seront gardées, et ne pourront ceux de ladite religion besongner, vendre ne estaller lesdits jours, boutiques ouvertes : et aux jours maigres, esquels l’usage de la chair est défendu par l’Église catholique et romaine, les boucheries ne seront ouvertes.
XXV / Et pour obvier aux contraventions qui pourraient se commettre en plusieurs de nos villes, les baillifs, séneschaux, ou leurs lieutenans, feront par les principaux habitans desdites villes jurer l’entretenement et observation de nostre présent édict, se mettre les uns en la garde des autres, et se charger respectivement et par acte public , de respondre civilement des contraventions qui se feroient audict édict, dans lesdites villes, par les habitans d’icelles, ou bien représenter et mettre entre les mains de la justice les contrevenans.
Si donnons en mandement, etc.
Donnez au chasteau de Boulongne, au mois de juillet l’an de grâce 1573, et de nostre règne le 13e.
Signé Charles.
Et plus bas, par le roi estant en son conseil. Signé Neufville. Et seellé en laqs de soye rouge et verde de cire verde du grand sceau. Lues, publiées, etc. Signé De Hevez.
Voir aussi : 24 août 1572 - Massacre de la Saint-Barthélemy