Le vendredi 27 décembre 1974, à 6h19 une déflagration retentit dans la fosse des Six-Sillons à Liévin (Pas-de-Calais). Une cinquantaine d’hommes se trouvait au fond, exécutant des travaux préparatoires pour l’exploitation future de ce chantier. Quarante-deux « gueules noires » y laissèrent leur vie, le plus jeune avait vingt-cinq ans, le plus âgé cinquante-quatre, laissant 40 veuves et 116 orphelins.
C'est la plus grande catastrophe minière de l'après-guerre.
Depuis quatre jours, la fosse 3-3 bis dite Saint-Amé de l’Unité de production 19 de Lens était au repos, les mineurs passant Noël en famille. Le 26 décembre 1974, la communauté polonaise avait fêté la Saint-Étienne… Le vendredi 27 décembre, à 5h30 le travail reprenait. Moins d’une heure plus tard, c’est le drame.
La déflagration parcourt des kilomètres de galerie, projetant les corps des mineurs à des centaines de mètres.
Très vite, les autorités, les mineurs et leurs familles prennent conscience de la gravité potentielle de l'événement : pour tout le monde et avant même que la chose soit confirmée, il s'agit d'un « coup de poussière », c'est-à-dire l'inflammation du poussier (poussières de charbon en suspension) à la suite d'un coup de grisou qui a joué le rôle de détonateur. La terrible catastrophe de Courrières de mars 1906 qui avait entraîné le décès de 1 099 mineurs revient immédiatement en mémoire.
Le carreau de la mine se trouve bientôt envahi par les proches en quête d'une quelconque information. On cherche en premier lieu à savoir à quel endroit exactement s'est produite la catastrophe : c'est un quartier de Six sillons qui a été touché, situé à 50 mètres en aval du niveau - 70, dans le secteur de la taille 31 qui allait être mise en exploitation.
Dans l'immédiat, il est cependant impossible de descendre porter secours aux éventuels survivants, en raison de la teneur en gaz encore présente dans l'atmosphère confinée de la mine.
Les mineurs employés sur les tailles voisines sont bien vite mobilisés pour les secours mais leur aide demeure limitée. Ils n'en sont pas moins assaillis par les épouses et les proches des mineurs absents : on donne un nom, on demande des détails, on espère encore que le père, le mari, le fils en a réchappé.
À 7 heures, le bilan est déjà lourd : deux morts et six blessés évacués vers les hôpitaux de Lens, Liévin, Bully-les-Mines et Lille.
À 8 heures, la nouvelle s’est répandue dans les corons. Les familles arrivent, se heurtent aux grilles fermées et gardées par la police et les gardes des Houillères.
Vers 10 h 30, le bilan s’alourdit ; on parle de 11 morts, peut-être 14.
Un peu avant 15 heures, Michel d’Ornano, ministre de l’Industrie, arrive pour se recueillir devant les cercueils. Les personnalités se succèdent pendant que les corps continuent d’être remontés. À la fin de la journée, on en dénombre 41. La dernière victime, Pierre Bertinchamps, succombera dimanche midi à ses blessures.
Dès le 31 décembre, lors de la cérémonie officielle des funérailles des victimes, le Premier ministre Jacques Chirac promet aux mineurs que « toute la lumière sera faite sur cette catastrophe, toutes les conséquences en seront tirées ».
Le 23 janvier 1981, le Tribunal de Béthune rend son jugement, 7 ans après la catastrophe qui a coûté la vie aux 42 mineurs de la fosse 3-3 bis de Liévin. Il prononce la "faute inexcusable de l'employeur". La Société des Houillères du Nord et du Pas-de-Calais est déclarée civilement responsable du drame.
C'est une première. Mais la société fera appel, et le jugement définitif qui surviendra en 1984 n'établira finalement pas « la faute inexcusable des Houillères », au grand dam des familles de victimes.
Le seul à payer restera l'ingénieur responsable de la fosse de Liévin est lui condamné à 10.000 francs d'amende pour « négligence en hommes et en matériel pour détecter la présence de grisou dans ce puits. »
Voir également :
10 mars 1906 - la catastrophe minière de courrières fait officiellement 1099 victimes