Le 4 novembre 1904, le ministre de la Guerre, le général Louis André, est giflé à la Chambre par le député nationaliste du IIème arrondissement, Gabriel Syveton.
L'incident porte à son paroxysme le conflit entre l'Église et le gouvernement de la IIIe République, que d'aucuns qualifient de « république des francs-maçons » (on évalue à 30.000 le nombre de francs-maçons dans les instances politiques parmi lesquels 250 députés, 200 sénateurs et un grand nombre d'instituteurs).
Chasse aux sorcières
Il était reproché au ministre comme à son homologue le ministre de la Marine Camille Pelletan, d'avoir favorisé la promotion des officiers laïques et athées sans prendre en compte le critère de compétence. Louis André avait fait rédiger par des francs-maçons des fiches de renseignements sur les opinions religieuses des officiers républicains.
Un premier scandale éclate le 29 mars 1904, avec formation d'une commission parlementaire, quand on découvre que le ministre de la Marine Camille Pelletan refuse de recevoir les amiraux, tous bons catholiques.
Il encourage par ailleurs les mouvements de grève dans les chantiers navals, cela au moment où l'Allemagne et l'Angleterre accélèrent le renforcement de leur flotte !
Désireux de son côté de favoriser l'avancement des officiers républicains anticléricaux, le ministre de la Guerre, le général Louis André, n'attend pas l'arrivée d'Émile Combes à la présidence du Conseil. Il lance une vaste enquête interne sur les opinions religieuses des gradés : vont-ils à la messe? Ont-ils envoyé leurs enfants dans des écoles catholiques ?...
Près de vingt mille fiches sont établies par les francs-maçons de la loge du Grand Orient de France, fer de lance de la lutte contre l'Église et confiées au bureau des fiches pour vérification.
Malgré le scandale le fichage continue de plus belle !
Emile Combe n’en resta pas là...
Le 18 novembre, après la démission de son ministre de la guerre, il envoie aux préfets une circulaire leur enjoignant de ficher les candidats à la fonction publique. L’état d’esprit et les opinions des futurs fonctionnaires sont collectés par les élus du bloc républicain et les notables favorables à la gauche.
Le 9 décembre 1904, cette délation dans la fonction publique fit débat devant la chambre. Alexandre Millerand demande à la chambre de « libérer ce pays de la domination la plus abjecte et la plus répugnante que jamais gouvernement ait entrepris de faire peser sur l’honneur et les intérêts des citoyens ».
Le 18 janvier 1905, Emile Combe démissionna faute de soutien à la Chambre. Son biographe reconnu que le système des fiches était « la tentation de la dictature républicaine ».
Le 24 janvier 1905, le président Émile Loubet appelle Maurice Rouvier à la présidence du Conseil. Sous son gouvernement est votée la loi sur la séparation des Églises et de l'État. Elle jette les bases de la laïcité à la française et met fin aux polémiques anticléricales.
Conséquences oubliées par certains historiens
Entre le 2 août et le 31 décembre 1914, Joseph Joffre devra limoger pour incompétence 180 des 425 généraux français, soit 42%. En deux mois de guerre, les Allemands étaient arrivés à Vitry le François, Beauvais et aux portes de Paris.
Le système des fiches et la discrimination positive allaient conduire au même désastre que celui de la guerre de 1870 !
Les mauvaises habitudes reviennent parfois assez vite
Ce système fut remis à l’honneur sous le gouvernement de Léon Blum en 1936. Le sous-chef de bureau au cabinet du directeur de la sûreté nationale était chargé de superviser les fiches, collectées dans différentes administrations, de cinq millions de Français et de deux millions d’étrangers classés « suspects » ou « indésirables ».
Ce haut fonctionnaire s’appelait René Bousquet !