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17 novembre 2015 2 17 /11 /novembre /2015 00:00

Détournement de fonds publics, corruption, financement illégal des partis, fausses factures... l’Affaire du Carrefour du développement est l'un des premiers scandales du premier septennat de François Mitterrand qui discrédite durablement le parti socialiste dans ce qu’on appellera plus tard l'« affairisme rose ».

Yves Chalier, trésorier de l'ACAD (association Carrefour du Développement)  et chef de cabinet de Christian Nucci (ancien ministre socialiste délégué à la coopération et du développement) s'enfuit au Brésil au printemps 1986 suite à la révélation de ce détournement d’argent par le nouveau ministre (suite à la défaite de la gauches aux élections législatives).

 

Le 16 novembre 1986, sous le coup d'un mandat d'arrêt, fatigué par six mois de cavale,  Yves Chalier téléphone au juge Jean-Pierre Michau : il veut se rendre à la justice, mais il demande une protection policière.

Il revient en France le 17 novembre.

 

Le 4 avril 1990, la Haute Cour prononcera en faveur de Christian Nucci un non-lieu partiel, assorti de l'amnistie prévue par la loi du 15 janvier 1990 taillée sur mesure après la reconquête du pouvoir en 1988.

Par contre, le 1er avril 1992, Yves Chalier  est reconnu coupable d'avoir détourné près de 27 millions de francs, dont plus de 5 millions à son profit personnel.

 

Origine de l’affaire

En 1984, le président François Mitterrand charge Christian Nucci (ministre délégué auprès du ministre des relations extérieures, chargé de la coopération et du développement) de superviser l’organisation d’un sommet international des chefs d’État africains qui doit se tenir le 11 et 12 décembre à Bujumbura, au Burundi.

Mais cet Etat très pauvre et totalement sous-équipé est incapable d'accueillir une rencontre internationale.

Christian Nucci confie l'affaire à son chef de cabinet Yves Chalier, qui crée l'ACAD (association Carrefour du Développement) en vue de collecter des fonds publics (80 millions de francs) à cette fin.

 

Yves Chalier, trésorier de l’ACAD, après un voyage de repérage, réalise que ce budget est insuffisant pour financer notamment la mise en place de lignes hertziennes ou le pont aérien chargé d'acheminer groupe électrogènes, cabines de conférences. C'est dans ce contexte qu'est mise en place une comptabilité fictive avec des fausses factures qui servent à couvrir d'autres dépenses :

  • 1,4 millions de francs pour Chalier (achat d'un appartement à Quimper, d'un studio à Paris, dons et prêts à sa maîtresse ou à son ex-femme) ;
  • 20,5 millions de francs pour Christian Nucci (financement des affiches de sa campagne électorale de 1986, règlements de ses cotisations au parti socialiste, réceptions faramineuses offertes à des dignitaires africains dans sa villa de Beaurepaire) ; financement de l'opération Manta ;
  • 3,3 millions pour l'achat et la restauration d'un château en Sologne, prétendument destiné à la formation de cadres africains, par Yves Chalier et la sous-préfète du Cher, Marie-Danielle Bahisson, la rumeur voulant que ce centre de formation serve à abriter un bordel pour les personnalités africaines.

 

Le scandale éclate au grand jour

La cohabitation va transformer ce discret scandale, connu - déjà - de la seule Cour des comptes, en une retentissante affaire d'Etat. En effet, dès l'arrivée de la droite au pouvoir, en 1986, des membres du cabinet du nouveau ministre de la Coopération s'intéressent à l'affaire…

En avril 1986, lorsque Michel Aurillac, ministre de la Coopération, rend public un rapport de la Cour des comptes accablant pour son prédécesseur.

 

Yves Chalier s'affole. Il obtient du nouveau ministre de l'Intérieur, Charles Pasqua, un « vrai-faux » passeport qui lui permet de s'enfuir au Brésil et de pouvoir ainsi déballer son sac à l'abri des poursuites. Ce « vrai-faux » passeport, c'est l'affaire dans l'affaire. Sa révélation aura un effet boomerang sur le nouveau gouvernement, contribuant au discrédit de la droite comme de la gauche.

 

Jeune avocat, Arnaud Montebourg défend la présidente de l'association, Michèle Bretin-Naquet qui est relaxée.

 

Il faut sauver le soldat Nicci

En janvier 1990, est promulguée une loi d'amnistie, taillée sur mesure, qui évite à Christian Nucci de comparaître devant la Haute Cour de Justice.

Il sera seulement astreint à une lourde amende personnelle pour son implication dans le scandale du Carrefour du Développement.

Par arrêt du 4 avril 1990, la commission d’instruction de la Haute Cour de justice a déclaré qu’il existait des « charges suffisantes contre M. Christian Nucci, ancien ministre, d’avoir commis les crimes de complicité de tentative de soustraction de fonds publics pour un montant de 9.928.740 francs et de complicité de soustraction de fonds publics pour un montant de 8.071.260 francs et de recel de fonds publics pour un montant de 1.385.413 francs ».

Elle a constaté que ces crimes sont amnistiés en application de l’article 19 de la loi du 15 janvier 1990.

 

Son ancien directeur de cabinet Yves Chalier a moins de chance…

Le 1er avril 1992, Yves Chalier est condamné à 5 ans de réclusion criminelle pour soustraction de deniers publics, faux en écritures publiques et falsification de chèques.

Moins de deux ans plus tard, le 6 décembre 1993, Yves Chalier sort de prison. Il a écrit un livre : La République corrompue.

 

Lien du jour :

Carrefour du développement : rappels d’une longue affaire

 

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